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UN PETIT MUSÉE DU COEUR


C’est à la collection de disques d’un individu qu’on reconnaît sa valeur. (DJ Spooky)

Il y va un peu fort le disc jockey et producteur américain. Notre personnalité est bien plus complexe qu’un amoncellement d’albums. Mais une collection de disques démontre tout de même inévitablement quelques-unes de nos valeurs, une large part de nos goûts, de nos traits de caractère.

Je suis dans une phase de ma vie où j’ai besoin de faire du grand ménage. L’imparable moment où l’on se sent débordé et où on se met à s’interroger sur l’importance des nombreux objets qui encombrent notre existence. Alors, les jours de pluie, il arrive que je m’attaque à un placard, à une bibliothèque, à un atelier de bricolage qui sert plus de fourre-tout qu’à sa véritable fonction. Mais dans cet élan d’allégement, il y a cependant une zone sacrée qui résiste à toute remise en question. Ma collection de disques.

C’est bête, je sais. J’ai essayé une fois, il y a quelques années, de me faire une raison. Le peu d’espace que j’ai gagné en sacrifiant quelques malheureux albums ne valait pas tout le temps que j’ai consacré à soupeser l’intérêt de chaque vinyle, de chaque CD. Ici et là, je redécouvrais les chansons de mon premier slow, de ma première peine de cœur, la musique de ma première nuit avec ma blonde… Dans une autre section, il y avait les albums de créateurs qui m’ont inspiré, qui m’ont appris à écrire des chansons, à chanter et à jouer de la guitare en mimant chaque note que faisait surgir l’aiguille déposée sur le sillon. Ailleurs, je retrouvais les artistes qui ont forgé mon esprit, m’ont aidé à comprendre la vie, m’ont transmis leurs valeurs sociales par leurs textes. Pas question que je me sépare de ça !

Encore aujourd’hui, avec ces disques je pars fréquemment à la découverte d’autres peuples, d’autres siècles. Je me sens alors inévitablement moins à l’étroit dans ma peau d’un peu mieux connaître l’autre, de m’intéresser à sa langue, sa culture, aux sonorités qui forgent son identité. Et je ne vous parle pas de ces albums où les improvisations de musiciens fabuleux me laissent sans voix pendant un moment tout en déposant une envie irrésistible de faire comme eux et de me lancer à mon tour dans le savoureux plaisir de la création spontanée.

L’écoute d’albums prodigieusement troublants, bouleversants, provocants ou simplement réconfortants ne peut faire autrement que de laisser des traces profondes. Ces traces, elles résident en moi dans un espace intime qui ressemble à un petit musée du cœur, de l’esprit et des émotions. Y sont blottis des souvenirs des gens que j’ai aimés, des personnes que j’ai connues ou d’autres que j’aurais voulu rencontrer. J’y retrouve plein de moments de ma vie qui m’ont fait comme je suis.

Vais-je réécouter chacun de ces disques ? Peut-être, peut-être pas. Mais ce n’est pas important. Grâce à eux, je suis toujours à un geste d’un émerveillement possible. Si je le désire, il suffit de quelques secondes pour que la voix, le jeu, l’univers créatif d’un artiste envahissent mon espace sonore. Et je me trouve riche d’être entouré d’œuvres d’arts, si humbles soit-elles.

Alors je retourne vers mon grand ménage espérant libérer un peu de place dans la maison. Mais bien sûr, avant, je choisis soigneusement l’album qu’il faut pour m’accompagner.

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